L'enseignement de l'ethnologie à Strasbourg
En 1960, dans le contexte des indépendances africaines, l’Université de Strasbourg créa une chaire d’ethnologie à l’orientation africaniste afin que les recherches sur ce continent soient elles aussi représentées en cette institution largement ouverte sur les langues et les cultures.
Dans ses débuts, l’Institut d’ethnologie se situait au 1, rue Goethe, dans un immeuble disparu depuis lors, où il cohabitait avec les Institut de philosophie, de psychologie, de sociologie, et avec le Centre de documentation pédagogique. Il fut déplacé par la suite à l’Esplanade dans les locaux de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines nouvellement construits.
À sa création, la direction de l’Institut d’ethnologie fut confiée au professeur Dominique (Dimitri) Zahan (1915-1991), ancien élève de Marcel Griaule et spécialiste des populations de la vallée du Niger (cf. notice biographique). Malgré la modestie du cadre, son enseignement connut vite un grand rayonnement si l’on en juge par le nombre d’étudiant.e.s et leur haut niveau de formation. Il était courant de voir des enseignant.e.s de l’Université venir passer le certificat d’ethnologie, qui servait de matière à option à d’autres disciplines, et qui fut par la suite complété par un certificat d’ethnolinguistique. Une vitrine d'objets de la collection Lebaudy-Griaule fut mise en place et en 1965 un poste d’assistant fut créé, confié à Pierre Erny (1933-2020).
Quand en 1968 D. Zahan fut nommé à la Sorbonne, il fut remplacé par Viviana Pâques, africaniste et élève de Marcel Griaule elle aussi, spécialiste des rapports qui sur le plan culturel et religieux se sont tissés au cours des siècles entre l'Afrique de l'Ouest et le Maghreb, avec une attention particulière portée aux Gnawa de Marrakech. Un ambitieux projet animait la nouvelle directrice : faire de l'Institut strasbourgeois, alors le seul dans la France de l’Est (avant que naissent ceux de Besançon et de Metz), non seulement un lieu de rayonnement au profit d’autres disciplines, mais véritablement une école pour former des chercheurs. Pour cela il fallait étendre et approfondir l'enseignement dispensé et obtenir l’habilitation d'une filière complète, du DEUG au doctorat, via licence, maîtrise et diplôme d'études approfondies (DEA). L'accent fut mis sur la pratique de l'enquête et l'utilisation des moyens audio-visuels, en particulier du film. Des recherches sur programme furent lancées et la région devint un champ d'investigation intensive.
L’Institut d'ethnologie, intégré à la Faculté des Sciences sociales, Pratiques sociales et Développement, s’est ainsi adapté aux différentes réformes intervenues dans le cursus des études (cf. l’organisation en semestres, la mise en place de la filière licence-master-doctorat), ainsi qu'aux différents remaniements institutionnels. Après 1968 l’Université de Strasbourg s'est en effet scindée en trois pôles correspondant aux sciences (Strasbourg I, puis Louis Pasteur), aux sciences humaines (Strasbourg II, puis Marc Bloch), et aux sciences politiques, droit, relations internationales, journalisme, etc. (Strasbourg III – Robert Schuman) avant de fusionner de nouveau en 2009.
Lorsqu’en 1983 V. Pâques partit à la retraite, la direction fut assurée successivement par Pierre Vogler, Pierre Erny (cf. notice biographique), Isabelle Bianquis, Eric Navet, Denis Monnerie, Roger Somé, à nouveau par Eric Navet avec Gaëlle Lacaze, Agnès Clerc-Renaud, Salomé Deboos avec Luisa Arango (2016-2019), Geremia Cometti (2019-2022) et Jeanne Teboul (depuis 2022). L'Institut a compté jusqu'à huit enseignants.e.s sur poste, des chercheurs du CNRS en plus d’une équipe de chargés de cours et de collaborateurs réguliers. Des diplômes d'université furent mis en place. Des liens furent tissés sur le plan des collaborations internationales sous forme de séminaires communs avec les instituts voisins de Fribourg-en-Brisgau et de Bâle dans le cadre de l’EUCOR (Association des Universités du Rhin Supérieur). Le CRIA (Centre de Recherches Interdisciplinaires en Anthropologie) fut créé pour susciter et coordonner la recherche. En 2021, l’Institut a signé en outre un accord d’échanges d’étudiant.e.s et d’enseignant.e.s avec l’Institut d’ethnologie de Neuchâtel. Des associations étudiantes, et en particulier l’association d’ethnologie ont grandement contribué et contribuent encore aujourd’hui à l’animation générale des recherches conduites à l’Institut et ailleurs.