Rachida Brahim Professeure junior (Junior Professor)

Colonialité du pouvoir et du savoir, racisme structurel et systémique, violences relatives aux rapports de domination (genre, classe, race), santé mentale, médecine traditionnelle, droits de la Nature, épistémologies du Sud

Thèmes de recherche

Présentation générale

Sociologue et titulaire de la Chaire de Professeur Junior dédiée aux cultures minorisées (minority studies), mes travaux et mes enseignements s’inscrivent dans le champ des cultural studies (gender, ethnic, postcolonial et decolonial studies) en s’appuyant sur une approche trandisciplinaire (sociologie, histoire et anthropologie).

Mon parcours scientifique s’articule autour de recherches portant sur les violences physiques et psychiques impactant les groupes minorisés à l’intersection des critères de classe, de genre et de race. Ces thématiques m’ont amenée à m’intéresser aux questions de droit et de santé mentale. Elles m’ont également poussée à questionner et à inclure les perspectives et savoirs autochtones.

Recherche doctorale : socio-histoire des crimes racistes en France entre 1970 et 2000 (Aix- Marseille Université, 2012-2017)

Ma thèse soutenue en 2017 porte sur la dénonciation et le traitement politique et législatif des violences à caractère raciste qui ont touché les migrants nord-africains puis leurs descendants entre les années 70 et fin 90. Cette recherche relève de la sociologie du droit et mobilise la Critical Race Theory. A partir d’entretiens, d’observation participante et d’une base de données de 731 cas collectés dans différentes archives (police, justice, parlement, ministère de l’Intérieur, association, presse), elle constitue la première recherche exhaustive sur les crimes racistes dans la France contemporaine. En étudiant la carrière juridique du mobile raciste, elle expose le rôle joué par la conception universaliste du droit dans le maintien des catégories raciales héritées de la période coloniale et met en évidence l’ossature du racisme structurel et systémique.

Recherche clinique : santé mentale et médecine traditionnelle (Observatoire pluriversel des rapports sociaux, Marseille, 2019-2022).

Durant ma recherche doctorale, la question des traumatismes psychiques provoqués par le racisme était centrale sans que je n’aie les moyens de l’appréhender. Ce constat m’a amenée à compléter ma formation de sociologue par un cursus en métapsychologie et psychanalyse dans l’optique d’acquérir des outils de compréhension et d’intervention supplémentaires. Je me suis spécialisée en ethnopsychanalyse, j’ai exercé en cabinet et j’ai parallèlement menée une recherche clinique. La recherche clinique se différencie de la recherche strictement académique par sa dimension participative, sa visée épistémologique qui accorde une place centrale aux savoirs des groupes assujettis et les objectifs de changement social qui sont ouvertement poursuivis par les participants. Cette recherche visait à étudier la survivance de l’animisme et le recours des femmes exposées aux violences sexuelles aux médecines traditionnelles en France. L’ouvrage issu de cette recherche paraîtra au 2025 aux éditions Wildproject.

Recherche postdoctorale : identity politics (Université d’Édinburgh, 2023-2024).

J’ai ensuite rejoint l’équipe du projet de recherche « A new democratic (dis)order? Race, identity and political mobilisation in France and the UK, c.1970-present » dirigé par l’historien Emile Chabal (Edinburgh University) et financé par la British Academy. Le projet rassemblait une équipe pluridisciplinaire de chercheurs britanniques et français (historiens, sociologues, politistes) et visait à étudier les identity politics (politiques identitaires) aux Royaume-Uni et en France. L’objectif de recherche était de dépasser le débat sur les identity politics en historisant et étudiant les revendications des communautés minorisées à partir de catégories raciales aux Royaume-Uni et en France. Dans ce cadre, j’ai mené une enquête mêlant archives, observation et entretiens auprès d’un collectif d’habitants vivant dans un quartier de Marseille majoritairement habité par des migrants et descendants de migrants africains et considéré comme un des plus paupérisé de France et d’Europe. Mon objectif était précisément de prendre de la distance avec la notion d’identity politics dans la mesure où la race n’a jamais été et n’est toujours pas une identité mais davantage une assignation catégorielle dont les personnes cherchent à s’extraire. Il s’agissait ici de mettre en évidence le processus de subjectivation individuelle à l’œuvre au sein des mouvements sociaux collectifs dénonçant les catégories raciales et leurs impacts.

 

Travaux de recherche dans le cadre de la Chaire de Professeur Junior dédiée aux Minority Studies

D’après les données officielles, en Guyane française, le taux de suicide des Amérindiens de l’intérieur est 17 fois plus élevé que celui des régions métropolitaines et 11 fois supérieur à celui du littoral guyanais, les 3/4 des suicides concernent des moins de 20 ans, dont des enfants de 9, 12 et 13 ans. Ce projet vise à éclairer ces données quantitatives grâce à une enquête qualitative reposant sur deux hypothèses intimement liées. Je postule d’une part que la prévalence des suicides chez les peuples autochtones de Guyane française est une conséquence de l’effraction territoriale et psychique que provoque la colonialité du pouvoir ; je fais d’autre part l’hypothèse que le recouvrement de leur santé mental, par-delà les prises en charges thérapeutiques, réside dans le recouvrement de leurs droits à la terre. L’objectif de recherche consiste à participer à l’avancement des connaissances sur la santé mentale des groupes ethniquement minorisés en étudiant l’impact de la colonialité du pouvoir en tant que violence systémique et structurelle sur la santé mental (axe 1) et en documentant la voie de recours qui se veut tout aussi systémique et structurelle que peut constituer la jurisprudence de la Terre (axe 2). Sur le plan théorique, cette recherche s’appuie sur différentes traditions critiques – celles des cultural et des minority studies, ainsi que des mad studies. Les concepts de colonialité du pouvoir et de jurisprudence de la Terre seront mis à l’épreuve d’une enquête de terrain menée avec des membres de communautés confrontées aux conséquences sanitaires de l’extractivisme.

Publications

Ouvrages

Médecines, à paraître aux éditions Wildproject, 2025

La race tue deux fois. Une histoire des crimes racistes en France (1970-2000), Editions Syllepse, 2021

Articles

« Identity politics versus political subjectivation : thinking self identification through the lens of decolonial studies », à paraître.

« La législation antiraciste, support d’un racisme structurel », Communications, novembre 2020, https://shs.cairn.info/revue-communications-2020-2-page-237?lang=fr 

« Polémiques et controverses autour de la question raciale » in Gallonier et al. 2019, https://laviedesidees.fr/Polemiques-et-controverses-autour-de-la-question-raciale

« What about a sociology of ethnicity in France ? A foucaldian reading of racial violence », The American Sociologist, 48(3), pp. 417-435, june 2017

« “Nous exécrons le racisme” : contrôle migratoire et traitement des crimes racistes dans la France des années 70 », Cultures & Conflits, 107, pp. 43-60, novembre 2017, https://shs.cairn.info/revue-cultures-et-conflits-2017-3-page-43?lang=fr 

« La race du militantisme », Migrations Société, n°159-160, mai-août 2015, https://shs.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-3-page-73?lang=fr

« 1983-2013, la Marche pour l’égalité et contre le racisme, matériaux pour une histoire en marche », Migrance, n°41, septembre 2013

Chapitre d’ouvrage

« L’antiracisme politique de Mai 68, Marseille 1968-1983 », in Marseille, années 68, sous la direction d’Olivier Fillieule et Isabelle Sommier, Presses de Sciences Po, 2018, https://shs.cairn.info/marseille-annees-68--9782724622256-page-315?lang=fr