Émission "Cultures Monde", « Détroit de Magellan : la frontière du bout du monde », France Culture, 24 juin 2024, avec Geremia Cometti

Hautement stratégique, le détroit de Magellan est encore aujourd’hui l'objet de tensions entre Chiliens et Argentins. Quels intérêts ce détroit a-t-il successivement revêtu depuis l’expédition de Magellan ? Comment les habitants composent-ils avec cette frontière qui divise la région ?


Pour écouter l'émission : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/detroit-de-magellan-la-frontiere-du-bout-du-monde-3663301

Avec

Sébastien Velut, professeur de géographie à l’IHEAL (Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine)

Sofia Victoria Perez-Herrera, Chercheuse post-doctorale à l’université Paris-Saclay et docteure en géographie de l’EHESS

Geremia Cometti, professeur d'anthropologie à l’Université de Strasbourg

Tout au bout du monde ou presque se tient un maelstrom de vagues, un concert de vents et un entrelacs de récifs. Bordé par les fjords et les glaciers, léché par les plaines et réhaussé de quelques ports épars, le détroit de Magellan est devenu un passage-monde en 1520, lorsque l’explorateur portugais a pour la première fois de l’Histoire européenne basculé de l’Atlantique vers le Pacifique. Le trafic maritime et la proximité de l’Antarctique donnent à cet extrême austral une haute valeur stratégique bien intégrée par les Etats chilien et argentin qui se sont lancés dans une course au sud dès le XIXe siècle. Une colonisation marquée par le massacre des populations autochtones, mais aussi émaillée par des tensions récurrentes entre Santiago et Buenos Aires.

Depuis 1902, une frontière tracée au cordeau attribue la maîtrise du détroit au Chili, au détriment des Argentins de la Terre de Feu, complètement enclavés et obligés de passer côté chilien pour traverser le détroit. Elle est aujourd’hui encore l’objet de vives tensions, comme en atteste les déclarations du 17 juin du président chilien Gabriel Boric dénonçant l’installation de panneaux solaires argentins de l’autre côté de la frontière. Si elle crée des antagonismes, elle structure aussi la coopération entre Chiliens et Argentins vivant de part et d’autre de la ligne de la démarcation, rapprochés par une appartenance régionale commun et le sentiment de vivre aux marges d’Etat centraux dont les capitales sont situées à des milliers de kilomètres plus au nord.

Depuis l’expédition de Magellan, quels intérêts stratégiques et économiques ce détroit a-t-il successivement revêtu ? Comment la course à la colonisation menée par le Chili et l’Argentine a-t-elle structuré le développement du territoire et le jeu des identités de part et d’autre de la frontière ? Et enfin, comment les habitants composent-ils avec cette frontière qui barre la région de part en part ?

Focus - Canal de Beagle : menaces sur les Yagan

Parmi les peuples autochtones victimes de la colonisation argentino-chilienne, les Yagans ont longtemps vécu de part et d’autre du canal de Beagle. Ils doivent aujourd’hui composer avec la frontière séparant les deux rives, mais aussi avec la marginalisation territoriale, environnementale et culturelle. Comment ce peuple qui ne compte aujourd’hui plus qu’une centaine de membres s’organise-t-il pour assurer sa survie ?