Colloque Définir une création au féminin - Intervention de Lisa Renard

Événement passé
12 13 avril 2021
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Dans le cadre du colloque

Définir une création au féminin ? Ou comment penser l'interaction entre genre et création

Lisa Renard, docteure en anthropologie (DynamE)
présentera le 12 avril à 14h50 une communication intitulée

"Les créations textiles chez les Māori de Nouvelle-Zélande Aotearoa. Des créations féminines ?"

Inscriptions obligatoires à feminin.colloque2021@gmail.com

Dans l’étude du monde māori, les ethnographes, les anthropologues et les historien·nne·s de l’art ont longtemps affirmé qu’une distinction sexuée du féminin et du masculin organisait l’acte créateur māori. Il est ainsi courant de lire qu’en Nouvelle-Zélande Aotearoa, seuls les hommes sont « traditionnellement » autorisés à sculpter, tatouer ou peindre, tandis que les femmes sont chargées du tissage et du tressage de différents artefacts. Sur le terrain, j’ai pourtant constaté que toute création d’entités dans l’espace sociocosmique māori — qu’il s’agisse d’un manteau de prestige (kākahu) ou d’une maison de réunion (whare nui) — est d’abord le fruit d’une coopération entre les humains et les ancêtres. Dans ce domaine, loin d’être séparés, les femmes et les hommes travaillent de concours. En outre, ce qui distingue une personne associée au genre wahine (féminin) plutôt qu’au genre tane (masculin) semble aller au-delà du sexe biologique et plutôt correspondre au développement de qualités ancestrales spécifiques. Le genre wahine dépasse ainsi les différences sexuées pour englober toute personne susceptible d’être mana wahine — c’est-à-dire de faire preuve d’« efficacité relationnelle féminine ». Cette qualité permet notamment à certaines personnes d’exceller dans l’art de tisser des liens visibles — notamment par l’intermédiaire de créations plastiques — et invisibles entre les vivants, mais également avec les ancêtres.
Ma communication vise à discuter l’apparente « séparation » sexuée des créations au sein de la société māori de Nouvelle-Zélande Aoteraoa d’hier et d’aujourd’hui, afin d’en proposer une approche actualisée, à travers l’analyse des créations textiles.

Définir une création au féminin ? Ou comment penser l'interaction entre genre et création

Est-il légitime de qualifier une création de féminine ? Y a-t-il un sens à user de cet adjectif pour déterminer la source et la nature de créations philosophiques, scientifiques, artistiques ? La définition du rapport entre création et féminin constitue l’enjeu central de ce colloque, tout en s’inscrivant au sein de questionnements plus larges portant sur le "genre". Comme l’explicite Nicole Loraux : "Tout n’est pas possible absolument lorsqu’on applique au passé des questions du présent, mais on peut du moins tout expérimenter à condition d’être à tout moment conscient de l’angle d’attaque et de l’objet visé." Il s’agit donc pour nous de questionner, dans une nouvelle perspective et à partir de notre présent, l’héritage intellectuel et artistique ainsi que ses stéréotypes. Ces stéréotypes du passé pourront être éclairés à la lumière de notre vision actuelle du féminin. Mais existe-t-il un féminin contemporain ?

L’objectif consistera en réalité à tenter de découvrir une définition plurielle et dynamique, appliquée à la création dans une optique interdisciplinaire et capable de problématiser toute définition déjà acquise de la notion de féminin. L’enjeu de ce colloque est donc double :

  • d’une part, il s’agit de proposer une réflexion en vue d’établir un savoir du féminin à partir d’une constellation et d’une multiplicité toujours en train de se faire, ce qui nous oblige à penser le paradoxe d’une définition non universelle et pourtant douée d’une valeur épistémique ;
  • d’autre part, il faudrait en retour reconsidérer le phénomène de la création lui-même, non comme le produit d’une subjectivité définie, mais comme un acte, un processus qui sera questionné avec les formes de subjectivation qui l’accompagnent.
Organisé par Ondine Arnould, Chiara Palermo et Sihem Riad, financé par le CREPhAC, l’ACCRA, l’UR1341, l’ED520 et l’ENSA.