Mise en ligne du blog L'anthropologie en partage, CNRS Le Journal

Mise en ligne d’un nouveau blog scientifique, L’Anthropologie en partage, sur le site du Journal du CNRS, créé dans le contexte du focus consacré à l’anthropologie par l’INSHS. 

L’édito du blog est disponible ici : https://lejournal.cnrs.fr/nos-blogs/lanthropologie-en-partage/editorial-un-nouveau-blog-sur-lanthropologie. 

Le blog est inauguré par le texte L’ethnomimétisme : comprendre et reproduire des objets rituels, écrit par Fédéric Saumade, Thierry Sarnet et Mathieu Mourey, tous trois membres de l'IDEMEC.  D’autres billets seront disponibles rapidement. 

Éditorial : un nouveau blog sur l'anthropologie par Jérôme Courduriès

On considère souvent que les racines de l’anthropologie sont à chercher dans le siècle des Lumières. Mais en réalité, le questionnement sur l’altérité sociale et culturelle qui est au cœur du projet de l’anthropologie était déjà pratiqué par quelques intellectuels dans l’Antiquité grecque et à l’issue du Moyen Âge, en Europe et dans le monde berbère. Avec la particularité cependant que dans les siècles passés, lorsqu’on découvrait des groupes aux mœurs très différentes de celles des Européens, certains avaient tôt fait de les reléguer hors du giron de l’humanité. 
 
L’Anthropologie a émergé en tant que discipline scientifique aux États-Unis et en Russie, où elle fut parfois au service du gouvernement, puis en Europe entre la fin du XIXe  et le début du XXe siècle. Il s’agissait de comprendre ce qui explique les différences entre des modes de vie observés ici et ailleurs, de voir si, malgré ces différences, suffisamment de points communs subsistaient pour dessiner les contours d’une seule et même humanité et, finalement, de saisir ce qui fonde les groupes humains. Ces questionnements se sont cristallisés dans une discipline scientifique, parmi les plus jeunes des sciences sociales et dont l’institutionnalisation fut longue, particulièrement en Europe et en France. 
 
Pendant longtemps, les anthropologues n’étaient pas seulement des anthropologues. D’abord formé aux mathématiques et à la physique, Franz Boas était géographe, Alice Cunningham Fletcher archéologue, Lewis Henry Morgan était quant à lui juriste, Lucien Lévy-Bruhl et Claude Lévi-Strauss philosophes, Ruth Benedict spécialiste de littérature anglaise, Edward Sapir linguiste et psychologue. Germaine Tillion avait, quant à elle, suivi une formation en archéologie et en préhistoire, Annette Weiner en radiologie et Denise Paulme en histoire du droit. Ces trajectoires individuelles, marquées par des passages d’une discipline à l’autre et beaucoup plus nombreuses que ces quelques exemples, s’expliquent par la quasi-inexistence, pendant longtemps et tout particulièrement en France, d’enseignements dédiés à l’anthropologie dès le premier cycle universitaire. Elles se justifient aussi par le besoin qui s’est fait jour, dans de nombreux champs scientifiques et du débat social, de se saisir de l’altérité culturelle. Il n’est donc guère étonnant de trouver encore aujourd’hui parmi les anthropologues des transfuges également formés en médecine, en droit, en histoire ou en philosophie et qui continuent parfois même à exercer dans ces autres disciplines. 
 
Cette histoire particulière de l’anthropologie fournit un terreau fertile au dialogue interdisciplinaire au sein des sciences humaines et sociales et au-delà. Si bien qu’aujourd’hui, des anthropologues collaborent avec des chercheurs et chercheuses d’autres disciplines, des praticiens, des spécialistes afin de mieux comprendre des phénomènes sociaux complexes qui soulèvent de nombreuses questions pour la science et souvent pour le reste de la société. Les domaines concernés touchent par exemple au rapport des hommes et des femmes avec leur environnement, à l’expérience de la maladie, à l’exposition à des risques sanitaires, industriels ou environnementaux, à la vie intra-utérine, à l’intelligence artificielle, à l’activité économique, aux identités de genre, à l’expérience de l’exil et de la migration, aux modes d’organisation politique… mais ils sont plus divers encore. Par ailleurs, des anthropologues décident de s’aventurer un peu au-delà du périmètre traditionnel de leur discipline et de s’emparer d’objets de recherche d’ordinaire plutôt réservés à d’autres sciences. 
 
Ce sont ces espaces de dialogue et de découverte, ces expériences du décloisonnement de notre discipline que nous vous invitons à arpenter par la lecture de billets spécialement rédigés par des anthropologues qui essaieront de vous faire découvrir leurs questionnements, la manière dont ils et elles travaillent et leur méthode de recueil des données — l’ethnographie. Ce faisant, vous prendrez peut-être le goût de cette première expérience que fait l’anthropologue sur son terrain de recherche : le décentrement de soi.