Dogon, mais encore… 2002

Galerie Jean Boucher, Centre culturel de Cesson-Sévigné [35]
31 mai au 1 juin 2002
Atelier-exposition réalisée par les étudiants de la Maîtrise des sciences et techniques Métiers de l'exposition, Université Rennes 2, sous la direction de Benoît Coutancier et Yveline Pallier.

Présentation de l'exposition

Origine des œuvres

Les six objets présentés appartiennent à la collection de l’Institut d’Ethnologie de Strasbourg. Ils sont originaires, pour cinq d’entre eux, du pays dogon, au Mali. Ils ont été collectés en 1938-1939 par la mission scientifique Niger-Lac Iro : ce genre d’expéditions dans les colonies françaises était très fréquent dans les années 1930. Il s’agissait de mieux connaître les cultures africaines en étudiant les objets de culte ou de la vie quotidienne.

Ainsi, Marcel Griaule, un des plus célèbres ethnologues français a étudié pendant près de 30 ans la culture des Dogon, et a contribué à les rendre célèbres dans le monde entier. Il a rapporté d’Afrique des milliers d’objets, principalement pour le musée de l’Homme, à Paris.

Les Dogon du Mali

Les Dogon habitent la région des falaises de Bandiagara, au nord de la frontière avec le Burkina Faso. C’est une région aride, au paysage spectaculaire : le plateau dogon surplombe le fleuve Niger, et au pied des falaises escarpées, on trouve des villages de petites maisons à l’architecture de terre typique. Les Dogon vivent aujourd’hui principalement de la culture de l’oignon, et surtout du tourisme. L’artisanat et les célèbres danses masquées attirent en effet une foule de touristes.

La religion traditionnelle des Dogon, très complexe, repose sur une mythologie de la création du monde (appelée cosmogonie). Le dieu créateur s’appelle Amma, et l’ordre du monde repose sur l’opposition entre deux jumeaux, symboles de l’ordre et du désordre, de la vie et de la mort. La cosmogonie met en jeu une foule de personnages, tel que le renard Yurugu, le serpent Lébé. On retrouve les symboles de ces croyances dans la vie quotidienne (serrures, métiers à tisser…), mais surtout dans les danses masquées. Chaque masque y représente un personnage de la mythologie. Les danses sont des cérémonies sacrées, à l’occasion de funérailles, de levées de deuil. Elles ont un sens religieux : il ne s’agit pas de danser pour s’amuser ou de se déguiser pour le divertissement.

Les Dogon aujourd’hui sont en majorité musulmans, comme une grande partie du Mali (l’Islam est une des religions traditionnelles du Mali depuis des siècles). Mais bien souvent, les croyances de la religion dogon se mélangent aux croyances musulmanes, ce qui n’est pas du tout ressenti comme une contradiction : on peut être musulman et danser lors des cérémonies. Malgré tout, la religion dogon telle que l’a décrite l’ethnologue Marcel Griaule tend à disparaitre : les danses sont plus pratiquées pour les touristes que pour les cérémonies, et les sculptures sont plus destinées au commerce qu’aux rituels.

Objets présentés

Masque kanaga - 2002.0.91

C’est l’un des plus anciens et le plus célèbre du répertoire de création dogon. On le sort lors des cérémonies dansées, telles que le dama, où il est accompagné de chants et de rythmes variés. La danse kanaga est tournoyante et plonge le danseur dans une chorégraphie précise et répétitive, où les amples rotations exécutées avec la tête font toucher le sol à la hampe. Intimement lié au mythe, le masque incarne la représentation matérielle du lien unissant les mondes visible et invisible. On attribue sa forme à divers sujets animaliers : l’oiseau – kommolo tebu -, le lézard, l’iguane, le barâmkamza dullogu – un insecte d’eau qui a mordu l’arche de Nommo ; ainsi qu’à la main de Dieu, l’esprit féminin des arbres – gyinu ya. Lorsque le danseur masqué pénètre dans le village, on éloigne les femmes et les enfants, afin de laisser place aux nombreux « spectateurs » venus des villages environnants.

 

Masque dyommo lièvre - 2002.0.90

Associé à Dyongu Sérou, un des quatre ancêtres mythiques, chasseur et guérisseur, le masque dyommo possède des vertus bénéfiques.
Le danseur qui le porte est vêtu d’une jupe en fibre et tient une tige de mil et un chasse-mouches. Lors de la sortie des masques, il défile à la suite du walu, et précède le kanaga. Durant la danse, il mime, avec son pendant le chasseur, le rite de la chasse

 

Cagoule de yona, masque de voleur rituel - 2002.0.93

La cagoule noire, bordée d’une frange circulaire de fibres claires au sommet du cimier, est percée de quatre ouvertures ovales devant les yeux ainsi que derrière la tête. Une mentonnière tressée est fixée sur la face et sur la nuque. Une crête de fibres raides orne le sommet de la coiffure.
Appartenant à une confrérie, les voleurs rituels sont considérés comme les gardiens des récoltes. Lors des danses, le yona vole des objets ou des vêtements aux spectateurs qui les récupèrent en échange de cauris (coquillages qui ont longtemps servi de monnaie en Afrique de l’Ouest).

 

Crosse yo dyommodo - 2002.0.92

Cette crosse est l’évocation d’une tête de cheval stylisée. Elle est munie d’une paire d’oreilles pointues et se termine par une bouche ouverte. Dans chaque clan, il existe une crosse de voleur. Gardée par le plus vieux, elle est confiée à un jeune pour l’usage rituel. Le gardien de la crosse est appelée yo, tandis que l’on nomme son utilisateur yone ou yona. Tous ces termes signifient « voleur ». C’est ainsi une référence au forgeron qui, grâce au bâton, aurait volé le feu de la forge.

 

Serrure oiseau - 2002.0.94

Les serrures sont à la fois fonctionnelles, esthétiques et porteuses de sens. Leurs motifs forment un langage codé : le six est, par exemple, le nombre de la parole, les chevrons sont les symboles de l’eau.
L’oiseau sculpté représente peut-être l’autruche qui, en tant qu’oiseau migrateur, est considéré comme le commissionnaire du hogon (chef spirituel des Dogon). Cette serrure devait servir à la fermeture d’un grenier de hogon, l’oiseau étant le gardien du sanctuaire du Lebé qui relève du culte tenu par le hogon. Mais elle pouvait aussi bien se trouver sur le grenier d’une femme seule, vivant du commerce des arachides – que l’autruche peut ramener en période de sécheresse. La simplicité du pêne et l’absence de partie basse accréditent plutôt la seconde hypothèse.

 

Masque dan - 2002.0.95

Ce masque est l’archétype de ce qu’on appelle un « faux ». Sa patine lisse, impeccable, ses petites dimensions, témoignent du fait qu’il nait jamais reçu de libations, et n’a jamais été porté.
Les Dan habitent le nord-ouest de la Côte-d’Ivoire, la Guinée Conakry et le Libéria. À l’origine, les masques étaient tous sacrés, mais, depuis le début du XXème siècle, ils ont perdu leur signification sociale ou rituelle pour devenir des instruments de divertissement ou de folklore touristique. Symbole d’une production touristique qui se développe dès le début du siècle, il témoigne de l’engouement européen pour les créations africaines. Ne correspond-il pas, à bien des égards, à l’image du « masque africain » par excellence (style épuré, formes géométriques, monochromie) ?