Séminaire "ethnologie et archéologies" 2019-2020 « L'écho de l'autre » Approche interdisciplinaire

Thème de l’année 2019-2020 :
« L'écho de l'autre »
Approche interdisciplinaire


Programme du séminaire

Comité d’organisation : Geremia Cometti, Luc Jallot, Pierre Le Roux, Bernard Moizo et Valéry Zeitoun.
Assistants : Pauline Pépin, Raphaëlle Schimmel, Marc-Emmanuel Grandgeorge et Bryan Nemec (étudiants en master d’ethnologie de l’université de Strasbourg)

Au programme de l'offre de formation de l'Ecole doctorale 519 Sciences Humaines et Sociales - Perspectives européennes, Université de Strasbourg

En partenariat avec l’Association d’ethnologie de l’université de Strasbourg pour l’enregistrement et la mise en ligne des conférences sur Youtube :

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À la mort d’André-Leroi-Gourhan, professeur au Collège de France, en 1985, Alain Testart, anthropologue, directeur de recherche au CNRS, fut l’un des rares – avec Pierre Pétrequin, François Poplin et Jean-Denis Vigne –, à poursuivre en France la fructueuse et difficile collaboration entre archéologie, notamment préhistorique, et ethnologie. C’est pourquoi le « séminaire d’ethnologie et de préhistoire » a été créé en 2014, montrant une large ouverture sur l’archéologie préhistorique suivant l’exemple montré par André Leroi-Gourhan et Alain Testart. En 2016, il s’est ouvert à la paléoanthropologie et, résolument interdisciplinaire, s’est prolongé d’une approche de sciences participatives avec l’intervention de personnes issues de la société civile comme c’était le cas naguère avec les sociétés savantes qui relayaient et parfois dépassaient, les complétant toujours, les institutions académiques et universitaires. L’organisation comme l’intitulé du séminaire ont donc été modifiés. En 2016, il a pris le nom de « Séminaire ethnologie et archéologies » et il est aujourd’hui dirigé par Geremia Cometti et Pierre Le Roux, appuyés par un comité d’organisation composé de Bernard Moizo (socio-anthropologue, directeur de recherche IRD) et de Valéry Zeitoun (paléoanthropologue, directeur de recherche CNRS).

En 2014, le thème du séminaire a été « Des animaux pour les dieux, les morts et les ancêtres : la pratique du sacrifice animal ». Celui de l’année 2015 fut « Le sauvage et le domestique ». Le thème de l’année 2016 fut « La mondialisation, d’hier et aujourd’hui ». Celui de l’année 2017 fut « Sociétés et êtres d’exception », focalisant sur des groupes humains et des individus exceptionnels, surdoués ou parias, admirés ou méprisés, remarquables et remarqués. Cependant, dans l’histoire de l’humanité il y eut également des êtres d’exception non humains qui ont une forte influence sur les sociétés humaines. Le séminaire de l’année 2018 eut ainsi pour thème « Les êtres d’exception non humains ».

En 2019, le thème retenu est « L’écho de l’autre ». On en entend parler, l’on connaît son existence, plus ou moins fantasmée, l’on connaît son nom, plus ou moins transformé selon les langues et les cultures, l’on peut même avoir entre les mains part de ses productions (comme dans le culte du cargo en Océanie), mais sans jamais l’avoir vu. Ainsi, l’on imagine cet autre, attrayant ou effrayant, doté de pouvoirs miraculeux ou supposé dangereux ; on lui invente une contrée sinon un pays, à défaut un paysage, un mode de vie, une histoire ; on l’idolâtre ou le déteste ; l’on bénéficie de ses créations ou bien l’on subit les conséquences de ses lubies, goûts et modes lointains ; l’on supporte, admire, recherche, copie ses créations ; l’on s’inspire de ses institutions ; ou bien l’on résiste à ses actions, modes ou conquêtes… En archéologie préhistorique notamment, discipline privée des textes qui nourrissent les données des recherches protohistoriques et historiques, marquée au sceau de l’invisibilité tel que pertinemment relevé par Alain Testart dans Avant l’Histoire (2012, Gallimard), la relation avec des espaces géographiques éloignés et d’autres cultures se traduit par la dispersion des objets, des modalités de l’habitat et des représentations à caractère symbolique. Les recherches génétiques, la circulation des matériaux et des biens, les pratiques funéraires, les emblèmes, traduisent des flux et transferts de connaissances, le déplacement de groupes et de personnes, colporteurs ou envahisseurs, mais ne disent rien de la connaissance réelle de l’autre. Comment connaît-on cet autre, celui que tout éloigne, dont la langue et les façons sont étrangères alors même que des objets, coutumes, langages véhiculés, savoirs techniques, médicinaux, nouvelles pratiques religieuses et mêmes maladies qui touchent les hommes, les plantes ou les animaux font part de son existence ? Comment se représenter cet autre, celui que l’on ne voit pas mais que l’on connaît pourtant, de nom, de réputation ?

Qui sont ces étrangers desquels on tire de nouveaux procédés, de nouvelles esthétiques, de nouvelles plantes, techniques et pratiques ? Comment les peuples du monde traduisent-ils l’Autre qu’ils ne connaissent qu’à travers ce qu’il produit ? Tout au long de l’histoire, les objets précieux et exotiques et les viatiques d’exception rythment la partition du pouvoir. Des esclaves sont importés, des artisans se déplacent, s’intègrent à d’autres communautés, des commerçants transitent avec leurs marchandises, apportant les échos lointains d’autres civilisations. Mais quel est cet autre, sujet, allié, ennemi, voisin, inconnu, dont on s’approprie les marques, subjugué, terrassé, admiratif ou envieux et pourquoi sert-il à l’affirmation d’un pouvoir qui n’est pas nécessairement celui du conquérant qui razzie mais aussi celui de qui détient le savoir d’un au-delà des limites du territoire connu. Explorateur, guerrier, voyageur, quel est celui qui reçoit ce pouvoir sans partage ?

Le « Séminaire ethnologie et archéologies », à thème annuel, comporte 24 heures, réparties en 8 séances de 3 heures chacune au premier semestre universitaire, à raison de 3 séances mensuelles environ. Il a lieu le vendredi après-midi, de 14h à 17h, aux dates indiquées sur le programme, au sein du campus Esplanade de l’université de Strasbourg et, le plus souvent, de la Maison interuniversitaire des sciences de l’homme en Alsace (MISHA ; salle précisée pour chaque séance). Il accueille chercheurs, enseignants-chercheurs, docteurs, doctorants, étudiants de niveau master (toutes disciplines) et est ouvert aux étudiants de licence et au public cultivé dans la limite des places disponibles.

Le séminaire accueille successivement dans ses séances soit deux intervenants extérieurs soit, le plus souvent – première innovation pédagogique – un intervenant « senior », chercheur ou enseignant-chercheur, et un intervenant « junior », chercheur hors-statut, doctorant ou étudiant de master prometteur afin de permettre à des étudiants et des jeunes chercheurs de se lancer dans la discussion académique en présentant leurs premiers travaux à l’aune critique de leurs aînés. Deuxième innovation pédagogique : reprenant le principe adopté dès 2015 et reconduit annuellement depuis, une équipe d’étudiants volontaires en début d’année universitaire, constituée d’un étudiant par niveau (licence sciences sociales 1re année, 2e année, licence sciences sociales « parcours ethnologie » 3e année, master ethnologie 1re année, master ethnologie 2e année), et coordonnée par un chef d’équipe nommé par les organisateurs, suit la totalité des séances du séminaire et en présente publiquement la synthèse critique dans les mêmes conditions que les conférenciers invités lors des séances habituelles. Cette formule plaît aux étudiants qui l’ont expérimentée depuis 2015, tant en ce qui concerne les intervenants que les auditeurs, car il s’agit d’un exercice en conditions réelles de prise de parole académique en public, et donc d’une excellente initiation à la recherche.